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Depuis 1950, la production mondiale de plastique a connu une croissance exponentielle, passant de 2,3 millions de tonnes à 162 millions en 1993 et plus de 460 millions en 2023. Aujourd’hui, le plastique provient principalement des emballages, et tout ce plastique finit dans les décharges ou sous forme de pollution.
Pour résoudre ce problème, de nouveaux matériaux et des programmes d’économie circulaire émergent pour offrir des alternatives durables aux emballages plastiques. Les produits d’emballage durables sont biodégradables, compostables, consignés et même comestibles selon le matériau. L’économie circulaire se concentre sur le recyclage des plastiques et sur l’amélioration de la qualité, et donc de l’impact environnemental, du plastique.
Dans cet article, nous ferons d’abord le constat des problèmes liés à l’emballage plastique, puis nous proposerons les solutions alternatives, de court-terme (le recyclage notamment) et de long-terme (les nouveaux matériaux qui remplacent le plastique).
Un constat : le plastique est partout, et ce n’est pas une bonne nouvelle
Une consommation de plastique exponentielle
Aujourd’hui en France, 2,2 millions de tonnes d’emballages en plastique sont mis sur le marché chaque année. Au total, l’Europe est le troisième plus grand producteur de plastique avec 55 millions de tonnes de plastique, après les États-Unis, qui produit environ 82,2 millions de tonnes de conteneurs et d’emballages chaque année, et après la Chine, qui à elle seule représente plus de 30% de la production mondiale de plastique (avec 117 millions de tonnes produits chaque année). En France, concrètement, cela représente 70 kg de plastique utilisé par an par chaque Français.
En termes de croissance, la consommation de plastique a quadruplé en 30 ans, en particulier sous l’effet des marchés émergents. La production mondiale a doublé entre 2000 et 2019 pour atteindre 353 millions de tonnes par an aujourd’hui. Cette croissance est exponentielle puisque sur les 9,2 milliards de tonnes de matières plastiques produites depuis 1950, plus de la moitié ont été fabriqués depuis 2000. Selon les projections, la production mondiale devrait atteindre environ 1000 millions de tonnes de plastique en 2060.
En Europe, la demande de plastique provient principalement des emballages (39,6%), et de la construction (20,4%). D’autres usages, dont le textile, l’électroménager, le mobilier etc. représentent 16,7% de la demande globale.
Des qualités uniques
Le plastique est d’abord la solution de packaging la moins chère. Industrie en développement depuis le début du siècle, le plastique bénéficie d’une organisation efficiente et optimisée. Il bénéficie de l’organisation de toute une filière – comme on le verra plus tard notamment avec le recyclage.
“L’industrie du plastique et du packaging n’a pas cessé de s’améliorer ces dernières décennies, avec une réduction continue de poids de matériaux utilisés. Les emballages à usage unique d’aujourd’hui sont très légers et hyper performants. Cependant nous arrivons au bout de ce processus. À cela s’ajoute un vent de Révolution : la fin de ces emballages en plastique est désormais programmée dans les rayons de la grande distribution, d’autant plus qu’une Révolution du commerce qui impose de revoir les modèles se déroule simultanément.” Fabrice Peltier, expert en eco-design d’emballage |
Par ailleurs, le plastique est une solution hygiénique, et pratique pour l’emballage : il permet d’emballer tout type de produit, il est neutre pour son contenant, et compatible.
Mais des effets dévastateurs sur l’environnement
L’impact du plastique, et en particulier des plastiques à usage unique, sur l’environnement est particulièrement critique. Selon les estimations, les plastiques seraient responsables de 3,4% à 6% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En tirant les courbes, et en prenant en compte les évolutions structurelles de production, ce chiffre pourrait atteindre entre 10 à 15% d’ici 2050, contribuant donc au réchauffement climatique. Avec 98,5% du plastique d’origine fossile, la production de plastique représente aussi 10,7% de la consommation de pétrole.
Particulièrement visible, la pollution plastique des océans est également critique : on estime en 2019 à 140 millions de tonnes de déchets plastiques accumulés dans les milieux aquatiques, qui devrait atteindre 493 millions de tonnes en 2060. Les plastiques représenteraient ainsi au moins 85% du total des déchets marins selon le programme de l’ONU pour l’environnement. Concrètement, cela représente l’équivalent de 1 camion poubelle de plastique rejeté chaque minute dans l’océan.
Enfin, cette pollution plastique a un effet direct sur la biodiversité. La faune océanique est la première mise en danger : 100.000 tortues et mammifères marins meurent chaque année, en lien direct avec la présence de microplastique dans leur organisme ; 90% des oiseaux de mer ont des fragments de plastique dans l’estomac ; 693 espèces marines sont actuellement menacées par la pollution plastique.
Et sur la santé humaine
Cette pollution plastique a un effet direct sur la santé mondiale, puisque par la contamination des espèces marines, c’est toute la chaîne alimentaire qui est menacée.
Par ailleurs, la pollution plastique entraîne des effets de différentes natures sur les êtres humains : les dysfonctionnements du système immunitaire, hormonal et endocrinien, ainsi que de nombreux dommages physiologiques potentiellement cancérigènes. La recherche sur les effets de la pollution plastique sur la santé humaine est abondante, et en constante évolution : depuis environ 25 ans, les scientifiques étudient en particulier les microplastiques, leur prolifération dans les différentes sphères de la vie humaine (de l’alimentation, à l’eau potable) et leurs effets très concrets. Des microplastiques sont ainsi retrouvés dans des organes où ils n’avaient jamais été observés auparavant (notamment les poumons, et le sang). Une étude récente a mis au jour 2.400 produits chimiques ayant des effets nocifs sur la santé, sur les 10.000 retrouvés dans le plastique.
Quelles alternatives au plastique ?
La réglementation française et européenne est incitative
À l’échelle mondiale, de nombreuses initiatives liées à la pollution plastique ont été prises, menant à des engagements plus ou moins contraignants pour les États. Le One Ocean Summit en 2022 en France avait ainsi permis de mettre le sujet à l’ordre du jour. En 2022 l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement avait adopté un accord pour la protection marine et la lutte contre la pollution plastique, qui avait institué un comité chargé d’élaborer un texte juridiquement contraignant d’ici 2024. En décembre 2022 enfin, la COP15 consacrée à la biodiversité avait abouti sur un engagement commun de protection de 30% des mers et océans d’ici à 2030. Les pays du G7 ont quant à eux annoncé en 2023 leur intention de réduire à zéro la pollution plastique d’ici 2040.
En Europe et en France, la législation va un cran plus loin, permettant d’envisager des pistes et des solutions pour l’atteinte de ces objectifs : la directive européenne sur les plastiques à usage unique de 2019 interdit un certain nombre de produits plastiques depuis 2021, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire fixe la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040, et se décline notamment à travers la stratégie 3R pour la réduction, le réemploi et le recyclage.
Le plastique recyclé
Aujourd’hui, le taux de recyclage du plastique à l’échelle mondiale est de seulement 9%, avec seulement 15% des plastiques qui sont collectés. Cela se traduit aussi par un taux d’incorporation de plastiques recyclés post-consommation très faible : sur les 390,7 millions de tonnes de plastiques produites au niveau mondial en 2021, seuls 8,3% provenaient de plastiques recyclés (et 8,5% en Europe).
Des bénéfices sont pourtant attendus du recyclage : outre la pratique vertueuse qui consiste à réutiliser ce qui a déjà été produit, et à limiter la surproduction, le recyclage devrait permettre une diminution nette des émissions de gaz à effet de serre liées, et une diminution nette de la consommation d’énergies et de matériaux fossiles.
Trois types de recyclage sont possibles : le recyclage mécanique, le recyclage biologique et le recyclage chimique. Le recyclage mécanique consiste à trier, broyer, laver et fabriquer des granulés, sans modifier la structure de la matière. Le recyclage biologique, tel que pratiqué par l’entreprise Carbios, pionnier et leader français installé à Clermont-Ferrand, suscite le plus d’espoir, notamment de la part de la communauté scientifique. Il consiste à utiliser des catalyseurs biologiques (des bactéries ou des enzymes) pour “détricoter” le plastique (en séparant les polymères qui le composent) pour le “retricoter” (en rassemblant les monomères ou polymères de petite taille). Le recyclage chimique, enfin, est plus marginal et controversé : il utilise des composés chimiques industriels pour produire du thermoplastique à partir des déchets. Outre les acteurs majeurs de la pétrochimie, de nombreuses start-ups sont positionnées sur ce marché : c’est le cas de Novoloop, Plastic Energy, Polyloop ou Plastogaz. D’après PlasticsEurope, au moins 2,6 milliards d’euros devraient être investis dans le recyclage chimique des plastiques en Europe d’ici à 2025, et au moins 7,2 milliards d’euros d’ici à 2030.
Toutefois, les solutions de recyclage posent des problèmes majeurs de faisabilité et de coût, et surtout d’organisation de collecte et de tri. Par ailleurs, le recyclage des produits plastiques ralentit la production, mais ne fait pas baisser le stock déjà existant de plastique, et n’est donc ni une solution de long terme ni une solution durable.
« Le recyclage ne peut pas permettre à l’industrie plastique d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Il doit s’intégrer dans une stratégie plus large visant à réduire notre consommation de plastiques. » « Pollution plastique : une bombe à retardement ? », Philippe Bolo et Angèle Préville, Assemblée nationale |
Les nouveaux matériaux : une alternative durable
Le bioplastique est une alternative hybride au plastique : il consiste à produire du plastique à partir de composés biodégradables, ou organiques, et à limiter au maximum le recours aux énergies fossiles. Selon la réglementation en vigueur, ces matières renouvelables doivent représenter au moins 50% de la masse de l’objet (une proportion qui doit passer à 60% en 2025) pour se prétendre ainsi des bioplastiques. Certaines start-up sont financées par des VC : TIPA Sustainable Packaging, Natrify, Sulapac, GreenBio, Solutum, Smart Planet Technologies et Humble Bee Bio. Toutefois il existe différents types de bioplastiques, et la subtilité consiste à trouver un bioplastique qui soit à la fois issu de matières biosourcées et à la fois qui puisse être biodégradable. La part des bioplastiques reste assez modeste, avec seulement 2% du marché du plastique, en raison de coûts nettement supérieurs encore à ceux du plastique (jusqu’au à 3x, d’après European Bioplastics).
Le terme bioplastique est ambigu, parce qu’il désigne plusieurs catégories de plastiques : des plastiques biosourcés, c’est-à-dire issus de la biomasse (mais certains ne sont pas biodégradables ; c’est le cas par exemple le caoutchouc produit au Brésil) ; des plastiques produits à partir du pétrole et d’énergie fossile mais biodégradables ; et enfin, des plastiques à la fois biosourcés et biodégradables. La priorité est d’avoir un plastique biosourcé, qui peut s’insérer dans les filières industrielles. Pour les plastiques biodégradables, il faut réserver leur utilisation pour des usages bien spécifiques, pour lesquels il est plus difficile de récupérer le plastique – comme l’agriculture ou les filets de pêche. Stéphane Bruzaud, chercheur CNRS |
Les bureaux d’étude, internalisés ou externalisés, sont des acteurs centraux dans la recherche de nouveaux matériaux, et d’alternatives durables au plastique. Certaines start-up, à la frontière entre le bureau d’étude et le producteur, se positionnent : c’est le cas de One Five par exemple.
Certains matériaux traditionnels comme le verre, le papier, et l’aluminium sont déjà utilisés pour remplacer le plastique. Le papier et le carton notamment sont utilisés par le secteur de l’agro-alimentaire. Outre les coûts, qui sont là-encore plus élevés, ils posent souvent un problème de plastique “caché” : dans le cas des gobelets en carton par exemple, vient souvent s’ajouter une fine couche de plastique pour que le gobelet soit hygiénique et utilisable, dans les mêmes conditions qu’un gobelet en plastique. Des solutions innovantes apparaissent toutefois : Flexi-Hex produit des emballages en papier, 100% recyclés et permettant le transit de certains matériaux fragiles.
Des nouvelles technologies développent des alternatives au plastique avec des algues, du mycelium, des fibres ou des déchets organiques. De nombreuses start-ups proposent des solutions innovantes : c’est le cas de Saveggy, Nat4Bio, ou Proteme, qui proposent des solutions de recouvrement des denrées périssables, alternative durable au packaging notamment de bananes, salades ou citrons. Des start-ups comme Lactips ou Eranova développent quant à elles des solutions de packaging avec des matériaux autres : des protéines de lait, ou des algues par exemple. Ces technologies restent toutefois relativement coûteuses, et pas toujours stabilisées, notamment parce qu’elles doivent se montrer compatibles avec les matériaux emballés.
Ce sont les principes de compatibilité (le contenant ne dégrade pas l’emballage) et de neutralité (l’emballage doit protéger le contenu sans qu’il y ait de migration de substances non désirées dans le contenu) qui permettent de juger de la qualité de ces nouveaux emballages. Par exemple, une bouteille d’eau en PET (polyéthylène téréphtalate) est à la fois neutre et compatible mais une bouteille en bioplastique n’est pas compatible. Cela reste en effet l’avantage du plastique : d’être à la fois peu coûteux et hygiénique, c’est-à-dire adapté pour l’emballage de tout type de matières. |
Finalement, le type de matériau utilisé pour emballer dépend donc beaucoup du contenant de cet emballage, et de l’usage qui en est fait. La solution ne peut pas être la même pour une salade verte ou un citron, que pour une bouteille ou un produit cosmétique, ou pour de l’eau.
Les nouveaux usages: le vrac, et la consigne
Enfin, et c’est la conviction de Daphni, l’adoption de nouveaux usages, grâce à une technologie suffisamment développée, et en l’occurrence dans un environnement réglementaire propice, est aussi une solution pérenne, limitant la surproduction et les externalités négatives.
La consigne d’abord, est un concept ancien et naturel. L’économie et l’échange ont longtemps fonctionné sur ce modèle, sans emballage. Avec l’arrivée du plastique et de l’emballage à usage unique, les habitudes de consommation ont changé, et aujourd’hui il est devenu compliqué de financer des solutions qui ne sont pas disruptives en soi, mais qui symbolisent un retour à ce qui se faisait précédemment. Au-delà des aspects psychologiques et sociaux, liés aux changements nécessaires d’habitudes, concrètement, les coûts opérationnels et logistiques de la consigne sont colossaux. Ils supposent une réorganisation de la chaîne de consommation et donc de production. La consigne oblige par ailleurs à investir dans des lave-vaisselles dans tous les restaurants concernés, ce qui pose un problème de place pour les sites actuels, donc un problème financier, en même temps que cela interroge sur l’impact environnemental final (en comptabilisant l’eau et l’électricité liés au lavage). Aujourd’hui le maillage des centres de lavage n’est pas assez dense pour soutenir une mise en place à grande échelle, si bien qu’il arrive parfois que certains contenants soient même envoyés en Angleterre pour être lavés, ce qui constitue une aberration écologique. Pour que la consigne redevienne véritablement une pratique courante, il faut un réseau large et un maillage territorial dense, qui simplifie l’usage pour les consommateurs (dès lors qu’il est possible de rendre le contenant dans n’importe quelle enseigne). C’est ce à quoi s’emploie une start-up telle qu’Uzaje. Étant donné l’échelle et les coûts initiaux, la question du rôle de la réglementation et de l’action publique se pose régulièrement et avec acuité. Des start-ups comme Bibak, Repett, Drink Dong, Le Fourgon, la Tournée ou Boco-loco proposent des solutions intéressantes. Cauli-box en Grande-Bretagne propose par exemple de prendre en charge l’intégralité de la chaîne, en fournissant un emballage réutilisable, et des points de dépôt pour les laver et les récupérer.
Le rechargeable ensuite avec des solutions comme 900 care ou Bower Collective pallie certaines limites de la consigne, notamment en termes logistiques et hygiéniques, et peuvent à cet égard être explorées. Au bout de la logique, le vrac est la solution la plus économe en termes d’emballages, dans la mesure où il se fonde sur un principe de grandes quantités et d’emballages individualisés.
par Alexandra Dubar, Ophélie Derlon
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